Alain Morel : les 40 ans de métier d’un artisan passionné

Avec ses 40 ans d’entreprise, Alain Morel apparaît comme le témoin privilégié de l’histoire de Constantin S.A. et des évolutions qu’a connues son métier. Responsable du département Ferblanterie depuis 1991, notre collaborateur de 62 ans, passionné par son travail, revient sur son parcours, sur l’activité de son équipe et la fierté qu’elle lui procure, mais aussi sur son inquiétude quant à une filière qui souffre d’un certain désamour de la part des jeunes.

Constantin. Quelles sont les grandes étapes de votre parcours professionnel ?
Alain Morel. Je dirige le département Ferblanterie de Constantin S.A. depuis 1991. Mais je suis entré dans l’entreprise le 24 mars 1980, après avoir passé mes jeunes années sur les chantiers en tant que ferblantier installateur sanitaire. En 2020, je fête donc mes 40 ans chez Constantin. Et je compte y rester encore quelques années.

Comment se présente le département que vous dirigez ?
Aujourd’hui, le département est animé par 6 ou 7 personnes en moyenne qui, pour la plupart, ont plus de 20 ans d’expérience chez Constantin. Il y a 30 ans, nous étions une vingtaine et nous ne faisions que de la ferblanterie. Désormais, nous nous occupons également de la couverture, afin de répondre aux exigences du marché et aux attentes de notre clientèle. Nous pouvons ainsi assumer la totalité d’un chantier de toiture, en neuf comme en rénovation, et tenir le rôle d’interlocuteur unique, ce qu’apprécient nos clients. Quand c’est nécessaire, nous faisons appel à des entreprises partenaires de confiance, par exemple pour les charpentes bois ou les travaux d’étanchéité du toit.

Quelle est votre perception de votre métier et de son évolution ?
Même si les outils, les techniques et les matériaux ont évolué, nous sommes encore et toujours des artisans. À partir d’une simple surface de cuivre, nous produisons des pièces magnifiques. Le toit est véritablement la partie noble d’un édifice. Dommage qu’il soit souvent trop haut pour être admiré. Aujourd’hui, Constantin S.A. dispose de deux ateliers très performants, à Genève et dans notre succursale de Nyon. Nous travaillons le cuivre, mais aussi des matériaux contemporains comme le zinc prépatiné. En couverture, le traditionnel reste la tuile en terre cuite plate, ou mécanique, avec un retour en force de l’ardoise naturelle ou de l’ardoise Eternit sans amiante. Nos ateliers sont équipés de machines de 6 mètres, des bordeuses électriques ou des plieuses à segment. Pour ma part, même si je maîtrise ces outils de pointe, je dessine toujours à la main. Je me sers bien évidemment de l’ordinateur, mais c’est sur les plans papier fournis par les architectes que je place l’ensemble des éléments dans leurs moindres détails. Travailler ainsi, « à l’ancienne », me permet de ne rien oublier.

Comment se porte le département que vous dirigez depuis près de 30 ans ?
Le département ferblanterie représente aujourd’hui 10 à 12 % du chiffre d’affaires. C’est une activité nécessaire à l’entreprise. Un toit, c’est une couverture souvent à vie pour le client. Pour certains d’entre eux, j’en assure l’entretien depuis 40 ans. Durant ces décennies, nous avons contribué à construire, rénover et enrichir le patrimoine bâti de Genève et de La Côte. Nous travaillons d’ailleurs toujours en étroite relation avec la CMNS (Commission des monuments, de la nature et des sites) pour l’entretien et la rénovation des bâtiments historiques et classés. C’est ce suivi et cette expérience de longue date, auxquels s’ajoutent un savoir-faire important et une qualité de travail irréprochable, qui font la force, et la réputation, de notre entreprise. Nous avons dernièrement rénové un bâtiment de 3’000 mètres carrés de placage ainsi que trois immeubles communaux pour une surface de plus de 2’500 mètres carrés de placage en zinc quartz.

Qu’en est-il de la formation des apprentis en ferblanterie et de l’avenir de la profession ?
Le métier de ferblantier est exigeant. C’est un travail complexe, qui demande de la tête, de la rigueur et de la persévérance. La filière n’est, hélas, pas très dynamique. Pendant des années, le secteur du bâtiment a été dénigré. Nous avons maintenant des difficultés à trouver de jeunes apprentis motivés et engagés dans un projet professionnel solide. Souvent, après quelques années de formation, ils nous quittent pour embrasser d’autres carrières. C’est dommage. Je reste toutefois persuadé qu’il y aura toujours des jeunes qui souhaitent exprimer leur créativité à travers cet art qui n’est pas prêt de s’éteindre. La toiture plate d’un bâtiment contemporain, comme on en voit pousser un peu partout, est loin d’avoir l’espérance de vie d’un toit deux pans traditionnel.